mercredi 26 octobre 2011

Caillassages

Le mouvement de protestation polymorphe et chaotique continue. Aujourd’hui peu de manifestants à Mamoudzou mais beaucoup de barrages partout dans l’île. J’ai pu me rendre sur mon lieu de travail qui n’est pas très loin, mais je n’ai pas fait cours faute d’étudiants. Notre directrice a sagement renvoyé les quatre ou cinq qui étaient là. De toute façon, les professeurs étaient coincés par les barrages.

Avec les jours qui passent, le climat se détériore. Un médiateur a été nommé pour faire avancer en priorité le dossier du prix de la viande tandis que grande distribution et syndicalistes se rejoignent sur le terrain glissant de la mauvaise foi obstinée. Un exemple chez les distributeurs : après force manifestations un accord avait été trouvé pour vendre les mabawa (ailes de poulets) à 19,95€ le paquet de 10 Kg. Depuis cette décision, les paquets de 10 Kg ont été retirés des rayons où l’on ne trouve plus que des paquets de 5 Kg à 14,90 €. Un exemple chez les syndicalistes maintenant, pour faire bonne mesure : Après un mois de blocage et de chiffre d’affaire nul, certaines entreprises commencent à licencier, mais c’est sans rapport avec la grève, "c’est parce que ces entreprises sont mal gérées et que leurs dirigeants n’ont pas su anticiper."

Des faits-divers sordides sont venus accentuer la méfiance qui s’installe entre les communautés. Les propos et actes à caractère raciste à l’encontre des mzoungous sont signalés ici ou là, si bien que beaucoup s’inquiètent. Certains parlent de partir, d’autres sont déjà partis et d’autres encore s’organisent en milice d’auto-défense, ce qui s’explique par le fait que très récemment, la gendarmerie a mis deux jours, du fait des barrages, pour venir constater une agression qui relève de la cour d’assise.

C’est un vent de folie, contagieux comme tous les vents de folie, qui souffle sur Mayotte. Les esprits sont échauffés. Or un esprit échauffé, ce n’est pas très malin et cela perd très vite la raison. Ainsi des amis que j’avais vus lors de la « marche blanche », des jeunes gens à mille lieues du modèle néo-colonialiste, ont frôlé un grave accident de la route en se faisant caillasser par des jeunes écervelés embusqués dans des fourrés surplombant la nationale et qui guettaient le mzoungou. Plus bête encore, ou plus criminel, la nuit dernière, une ambulance transportant une femme enceinte a été attaquée. Vitre latérale brisée sous les pierres et chauffeur blessé à la jambe. Plus bête encore, vous croyez que c’est possible ? Une centaine de jeunes d’Iloni et de Dembéni, sans doute plus, se sont affrontés à coups de pierres pendant toute une soirée. Rien à voir avec le prix des mabawa ni un quelconque racisme anti-mzoungou, juste la bêtise à l’état pur, celle qui précisément est à la base de tous les racismes, celle qui fait voir dans ceux du pâté de maisons d’à côté, les ennemis héréditaires qui ont toujours cherché à nous nuire. C’était juste un épisode d'une vieille guerre de quartiers réveillée par la folie ambiante.

Un vent de folie qui appelle donc chacun à la prudence. Ce n’est pas encore la guerre civile et loin s'en faut, mais comme je l’ai dit, les esprits sont échauffés. Il convient donc d’être prudent dans ses déplacements, prudent dans ses paroles qu’un excité pourrait mal interpréter et prudent surtout dans ses pensées afin que la folie ambiante ne s’y installe pas. En matière de folie collective, personne n’est à l’abri de la contagion.

D’autant que j’apprends que Madame Penchard qui a fait tant de dégâts avec son allocution si mal venue doit prochainement s’entretenir de la situation à Mayotte avec Messieurs Fillon et Guéant. Je n’ose pas imaginer la réaction des Mahorais si Monsieur Guéant mettait maladroitement les pieds dans le plat, comme il l’a fait dernièrement en stigmatisant les Comoriens de Marseille, dont beaucoup sont des Mahorais.

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