Mayotte a passé la journée à attendre (vendredi 14). La ministre a vu les uns et les autres, en Petite-Terre. Mayotte attendait, juste en face, en Grande-Terre, devant le Comité du tourisme.
En fin d’après-midi, j’ai vu deux fois la barge s’approcher de la jetée, hésiter, faire demi-tour et repartir vers la Petite-Terre avec ses passagers car le débarcadère était plein d’une foule qui brûlait d’aller voir ce qui se passait en Petite-Terre et où en étaient les négociations. Une foule bien trop nombreuse, bien trop houleuse pour la barge.
Les organisateurs demandaient au micro à ce qu’on laissât accoster la barge, mais les gens voulaient savoir et voulait aussi sans doute que cela se sache.
Tout le monde attendait 19 H et l’allocution de la ministre. Quand je suis arrivé sur le parvis, il y avait une danse religieuse. Un vieux bakoko qui avait remarqué que je commençais à me balancer sur la musique m’a attiré dans la danse et je me suis retrouvé les paumes des mains tournées vers le ciel et un sourire illuminé sur le visage. Je ne suis pas très regardant en matière de religion, je m’adapte facilement pourvu qu’on me tolère.
Plus tard, il y eut du m’godro diffusé sur la sono. Là aussi j’ai dansé, mais comme tout le monde, je dansais pour attendre dans la bonne humeur plutôt que dans la lourdeur palpable qui pesait sur la ville.
À 19 H il y eut l’allocution. Problèmes de sono. Les gens écoutent alors la radio sur leurs téléphones ou sur un autoradio qu’un conducteur prévenant rend audible en laissant grandes ouvertes les portes de sa voiture autour de laquelle s’agglutine un groupe attentif. Tout le monde est silencieux, grave même. Il est vite clair pour tous que la ministre n’a pas compris ce qui se passe à Mayotte. On lui réclame de la justice et elle donne des leçons et fait la charité.
J’admire la très grande retenue des Mahorais. Là où un métropolitain aurait été très explicite sur l’usage qu’elle pouvait faire des bons d’achat qu’elle proposait aux familles nécessiteuses à condition que celles-ci remplissent certaines conditions, comme s’il n’y avait pas assez de paperasserie, les Mahorais, eux, se contentent de dire dignement : « À Mayotte on est pauvre, mais on n’est pas des mendiants. »
Pour l’instant, l’île est sous le choc de cette non-compréhension. Les organisateurs, sur place et à la radio appellent les Mahorais à garder leur calme et à rentrer rapidement chez eux pour éviter des manifestations de colère. Rendez-vous est pris pour une assemblée générale demain matin devant le Comité du tourisme. Arrivé chez moi j’apprends à la radio que Shopi, un petit supermarché du centre-ville vient de subir une attaque qui a déclenché une intervention des forces de l’ordre.
Patrice, je lis et relis tes déambulations et perceptions de ces jours animés, agités, révoltés et dramatiques qui ont secoué l'île aux parfums… Et je te suis sur les routes, les parkings et dans les airs !!!
RépondreSupprimerEn choeur, nous en reparlerons… Merci… jeanPaul des isles