Le Shopi dont je parlais la dernière fois a été pillé aujourd’hui. Même chose pour la SNIE de Combani où, d’après Mayotte Première, les manifestants auraient mis les gendarmes en fuite. À Malamani, dans le sud, le Sodicash qui était fermé, a été attaqué par une vingtaine de jeunes cagoulés qui ont défoncé la porte et se sont emparé de l’argent qu’ils ont trouvé sur place ainsi que des cartons de bière.
Toutes ces actions violentes qui assombrissent l’image du mouvement de protestation contre la vie chère sont éclipsées par l’information qui est tombée en début d’après-midi faisant état du décès d’un manifestant transporté à l’hôpital de Mamoudzou suite à un arrêt cardiaque. On parle de gaz lacrymogène ou de flashball. Le communiqué de la préfecture, lui, signale un malaise cardiaque et ne relève « aucune trace d'impact de grenade lacrymogène ou de flashball ». C’est peut-être vrai, mais personne n’y croira. Les manifestantes pacifiques et joyeuses de la semaine dernière chantaient déjà : « Monsieur le Préfet et la SODIFRAM sont venus avec les CRS pour nous tuer.»
Les êtres humains sont pétris de symboles, bien plus que de raison et le symbole qui est en train de prendre corps en ce moment c’est celui du martyr. C’est dans l’air, dans ce vent de folie qui s’est emparé de l’île. Tout le monde le sait. Ce n’est pas innocemment que Malango titre : « Mayotte-manifestation : premier décès. » On a vu l’ombre de ce futur premier décès poindre sur le parvis du Comité du tourisme lors de l’allocution de Madame Penchard, ministre de l’outre-mer. Cette ombre a flotté sur Mamoudzou pendant tout le weekend. Les barrages qui avaient disparu ont commencé à ressurgir un peu partout. De petits barrages ici ou là, quelques pierres, une poubelle… Puis en début de semaine, de gros barrages tenus par des militants.
FO a signé un accord de sortie de grève, mais pas les autres syndicats. Le mouvement unitaire bat de l’aile et la rue est partagée entre la faim (trois semaines de magasins fermés) et la lutte pour la dignité, avec son cortège de symboles mortifères. Le Préfet a ordonné l’ouverture des magasins sous protection policière. Cela a déclenché une double ruée des acheteurs et des manifestants voulant fermer les magasins ou piller les clients qui ressortaient. Des vivres ont ainsi été jetées par-dessus le bastingage de la barge d’ordinaire si paisible.
Madame la ministre a été interpelée aujourd’hui à l’Assemblée au sujet de la situation à Mayotte. Elle a répondu qu’elle s’est elle-même rendue à Mayotte et que si et que mi… Il faut rectifier et dire que pour bien des Mahorais, Madame la ministre, qui était attendue avec beaucoup d’espoir, ne s’est pas rendue à Mayotte, elle a tout au plus passé une journée dans la résidence du Préfet en Petite-Terre, ancien centre de l’administration coloniale, d'où elle n’a pas écouté les Mahorais et que même de là-bas, elle est repartie sous les huées.
Ce matin, en allant travailler je suis tombé sur un barrage en cours de construction. Entraîné par l’audace du conducteur qui me précédait, j’ai pu passer en mordant sur le bas-côté tandis qu’un grand échalas lançait dans ma direction un gros pneu. La voiture suivante a dû s’arrêter. Demain, pas de travail, si la route est libre, j’essaierai d’aller à la marche silencieuse à la mémoire d’Ali Anzizi, le manifestant décédé.
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