jeudi 3 novembre 2011

Trente-huitième jour

"File d'attente" à la station de Kawéni


Trente-huitième jour du conflit qui s’enlise. Il me semble acquis maintenant que la grande majorité des habitants de Mayotte est lasse de cet enlisement. Les mzoungous, bien sûr, dont beaucoup se sentent en danger, mais les Mahorais également dont la vie quotidienne est compliquée du fait des barrages. Tous les Mahorais avec qui j’en parle sont fatigués de cette longue désorganisation de leur quotidien.

Les caillassages et de graves exactions ternissent sérieusement l’image du mouvement, ainsi que l’image de Mayotte et des Mahorais, ce qu’illustre bien le fait qu’en ce moment, les avions arrivent plutôt vides et repartent plutôt pleins.

Cependant, même si tout le monde est las, tous les Mahorais savent qu’il s’agit d’une lutte pour la justice et la dignité. Elle est peut-être menée à la va-comme-je-te-pousse, elle est certainement accompagnée de dérapages inacceptables et incompatibles avec la dignité revendiquée, elle sert également de prétexte ou de déclencheur à des actes de banditisme comme par exemple l’attaque par des voyous cagoulés d’un supermarché à la Réunion « pour soutenir la lutte des frères de Mayotte ». Quand on sait que ces Robin des bois modernes volent principalement de l’alcool, on peut légitimement douter de l’efficacité d’un tel soutien.

À propos de Robin des bois, on nous en a envoyé un de métropole. C’est du moins ainsi qu’il a été surnommé avant même d’arriver. Il s’agit de Denis Robin, un ancien préfet de Mayotte et actuel conseiller du Premier ministre. On le dit compétent et on lui prête du charisme. Il en aura bien besoin car il vient en médiateur quand c’est un justicier qui est réclamé. Quelqu’un qui soit capable de faire entendre au gouvernement qu’il n’y a aucune raison que les Mahorais soient traités autrement que les autres Français. Le problème va en effet bien au-delà du prix de la viande. Quand ce dernier point sera réglé, rien n’aura encore été fait concernant le fond de la question. Et nous vivrons toujours sur une poudrière.

On dit à Paris que c’est la crise, qu’il n’y a pas d’argent, que ci, que mi et que bref, c’est normal que les Mahorais attendent encore vingt ans pour être traités comme les autres.

Je ne suis pas d’accord. C’est vrai que je ne suis pas très fort en politique ni en économie, mais je connais un peu les êtres humains et leur susceptibilité ombrageuse. Quand une république une et indivisible porte dans sa devise les mots « égalité » et « fraternité », elle se doit de traiter également tous ses ressortissants. Si elle s’égare à laisser croire qu’elle pourrait penser que le RSA à 25 %, entre autres, c’est assez bon pour ces Français lointains, elle ne peut que se heurter, un jour ou l’autre, à un sursaut de dignité, vraisemblablement accompagné de colère dont on sait qu’elle est fort mauvaise conseillère.

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