mercredi 21 juillet 2010

George Catlin

« White Cloud », Chef des Iowa
George Catlin 1844-45

National Gallery Of Art, Washington, DC, USA

Quand je filme des morceaux de Mayotte, des musiciens traditionnels, des danses ou des cérémonies, il m’arrive souvent de penser à George Catlin. Quand je peins, au contraire, j’évite de penser à lui car alors je poserais mes pinceaux en soupirant « Vanitas vanitatum… »
George Catlin (1796-1872) était un peintre américain, actif dans les années 1830. Il avait commencé une carrière d’avocat, mais avait vite quitté le monde de la chicane pour se lancer dans les plaines du Far West dans le but singulier de peindre des Indiens.

Catlin peignant un chef indien

Si l’on voit de temps en temps des westerns bien documentés, c’est en grande partie à lui qu’on le doit. Il a peint des centaines de toiles et réuni une importante collection d’objets amérindiens. Il a aussi écrit plusieurs livres, illustrés par ses gravures, dans lesquels il présente les mœurs des tribus qu’il a visitées. Je me souviens en particulier des rites d’initiation des Mandan qu’il décrit dans un ouvrage dont le titre en français est « Les Indiens des plaines », un grand classique des amoureux de la vie au grand air.



Il était conscient de peindre un monde en train de disparaître. Pour conserver la mémoire de ces cultures en voie d’extinction et pour financer sa passion anthropologique, il a cherché, sans succès, à faire acheter sa collection par les autorités américaines. Puis, il a donné des conférences qui l’on conduit jusqu’en Europe. Ces conférences-expositions étaient aussi des sortes de spectacles dans lesquels intervenaient des Indiens qu’il avait engagés. À Paris, il rencontra un grand succès. Il présenta à Louis-Philippe, Roi des Français, sa Galerie indienne qui attira de nombreux artistes romantiques. Il recueillit à l’occasion les éloges de Baudelaire dont j’ai trouvé le texte dans le Garde-mots :

Stu-mick-o-súcks, Buffalo Bull's Back Fat,
George Catlin. 1832.
Smithsonian American Art Museum (Washington, D.C.)


"Il y a au Salon deux curiosités assez importantes : ce sont les portraits de Petit Loup et de Graisse du dos de buffle [Buffalo Bull's Back Fat], peints par M. Catlin, le cornac des sauvages. Quand M. Catlin vint à Paris, avec ses Ioways et son musée, le bruit se répandit que c'était un brave homme qui ne savait ni peindre ni dessiner, et que s'il avait fait quelques ébauches passables, c'était grâce à son courage et à sa patience. Etait-ce ruse innocente de M. Catlin ou bêtise des journalistes? - Il est aujourd'hui avéré que M. Catlin sait fort bien peindre et fort bien dessiner.

Ces deux portraits suffiraient pour me le prouver, si ma mémoire ne me rappelait beaucoup d'autres morceaux également beaux. Ses ciels surtout m'avaient frappé à cause de leur transparence et de leur légèreté.
M. Catlin a supérieurement rendu le caractère fier et libre, et l'expression noble de ces braves gens ; la construction de leur tête est parfaitement bien comprise. Par leurs belles attitudes et l'aisance de leurs mouvements, ces sauvages font comprendre la sculpture antique. Quant à la couleur, elle a quelque chose de mystérieux qui me plaît plus que je ne saurais dire. Le rouge, la couleur du sang, la couleur de la vie, abondait tellement dans ce sombre musée, que c'était une ivresse ; quant aux paysages, - montagnes boisées, savanes immenses, rivières désertes, - ils étaient monotonement, éternellement verts ; le rouge, cette couleur si obscure, si épaisse, plus difficile à pénétrer que les yeux d'un serpent, - le vert, cette couleur calme et gaie et souriante de la nature, je les retrouve chantant leur antithèse mélodique jusque sur le visage de ces deux héros. - Ce qu'il y a de certain, c'est que tous leurs tatouages et coloriages étaient faits selon les gammes naturelles et harmoniques. Je crois que ce qui a induit en erreur le public et les journalistes à l'endroit de M. Catlin, c'est qu'il ne fait pas de peinture crâne, à laquelle tous nos jeunes gens les ont si bien accoutumés, que c'est maintenant la peinture classique. "(Salon de 1846)

Pour en savoir plus sur ce précurseur de Lévy-Strauss, il suffit d'un seul clic sur George Catlin - The complete works

lundi 19 juillet 2010

Peinture


Voici la première peinture de ma période mahoraise. C’est un joueur de gabusi dans son banga. J’ai le projet de faire une série sur la musique et la danse. Mais il y a tant d’autres choses à peindre ici ! Cela faisait deux ans que je posais des yeux émerveillés sur tout ce que je voyais. Deux ans que je me disais que j’aimerais peindre tout ça. Le lagon, bien sûr, mais aussi la barge. Mais aussi plein de paysages pittoresques à souhait, rien que le Choungui, je ferais bien une série de Choungui vu de tous les côtés. Des scènes de village. Des plantes étonnantes comme les bambous, les baobabs ou les feuilles enluminées de l’arbre à pain. Toutes sortes de personnages hauts en couleurs. Même les zébus, j’ai envie de peindre les zébus.

samedi 17 juillet 2010

Contretemps

Cet été, nous sommes coincés à Mayotte. Un problème de papiers que n’importe qui d’un peu intelligent aurait pu régler avec un peu de bonne volonté. Apparemment, c’était au-dessus des forces des agents de l'État en charge du dossier. C’est assez navrant d’être strictement dans son bon droit, parfaitement en règle, et d’être privé de sa liberté de mouvement parce qu’un blaireau, derrière son guichet, n’a pas fait son boulot et que tout le monde, ou presque, s’en fout. Je dis "presque", heureusement, car même dans ces temples de la bêtise institutionnalisée, on arrive à trouver des témoignages de sympathie. L'ensemble reste cependant navrant.

Mais il y a tellement de choses navrantes dans la vie, et des choses qui peuvent être bien plus graves. Alors on tourne la page et on passe à autre chose. Mayotte c’est formidable en été. Je m’entête à appeler cela l’été. En fait, nous sommes dans l’hiver austral. Au cœur de l’hiver austral !

Je veux bien qu’en Patagonie l’hiver austral soit rude, qu’il fasse parfois frais à la Réunion, mais ici, c’est la plus belle saison de l’année. Il y a un peu d’air. Il fait toujours chaud, bien sûr, mais la chaleur n’est plus moite et accablante comme elle l’est pendant la saison des pluies.

En plus, du fait des congés scolaires et des migrations saisonnières des mzoungous, il y a beaucoup moins d’embouteillages et moins d’attente pour se connecter à Internet.

Au diable, donc, la paperasse et les blaireaux ubuesques qui s'en délectent ! Si vous raffolez du Père Ubu, vous pouvez toujours retrouver ses émules contemporains et tropicaux dans Droit du sol (Casterman), la bédé de Charles Masson dont je vous ai déjà parlé et à laquelle j’emprunte l’illustration de cet article.

Comme je dispose maintenant de beaucoup de temps libre imprévu, je me suis dit : « Et si je peignais enfin tout ça ? » J’ai donc acheté des pinceaux et je vous en reparle bientôt.