vendredi 24 octobre 2008

Festival Intermizik de Mayotte



Depuis la fin du ramadan, la vie nocturne a repris ses droits. Nous sommes allés assister à quelques concerts. Il y a vraiment ici des bêtes de scène, mais on voit souvent les mêmes car il n'y a pas beaucoup de musiciens à Mayotte. Les plus aventureux vont tenter leur chance à la Réunion ou en métropole. D'autres restent en faisant un autre boulot à côté comme Lathéral qui est agent technique au lycée d'Acoua.

Ils ne doivent pas s'ennuyer au lycée d'Acoua. Lathéral, c'est une institution. Il joue un style traditionnel avec des instruments traditionnels. Mais c'est surtout un chanteur (auteur-compositeur) qui peut bouter le feu, avec n'importe quelle formation orchestrale, partout où il passe. Spécialement à Acoua et à Mtsangamouji. J'aurai certainement l'occasion d'en reparler. En attendant vous pouvez aller voir son site officiel en cliquant ici.

Le FIM, Festival Intermizik de Mayotte, est l'occasion de voir et d'écouter des musiciens venus d'ailleurs, comme ces Aborigènes australiens que nous sommes allés voir mercredi. On connaît le didjeridoo et les claves entrechoquées. Bon, d'accord. Mais ces bougres-là chantaient comme des Irlandais un soir de finale et dansaient comme des dieux antiques. Barbares, mais antiques.

Je dois avoir des ancêtres communs avec ces Aborigènes car j'ai trouvé en eux des confrères qui envisagent la danse sous un angle que j'imagine assez proche du mien. Ils ont des danses narratives qui leur permettent de tout raconter : La chasse au kangourou, l'errance de l'émeu dans la brousse australienne, la conjuration d'esprits néfastes...

Il y en avait un en particulier qui m'a rappelé un des indiens du Nouveau Monde, le film de Terrence Malick. J'ai vu ce film au moins quatre fois en salle, puis je l'ai loué un bon nombre de fois et j'ai fini par l'acheter à Paris avant de venir à Mayotte.

Mon seul regret avec ce film, c'est que Jean-Mi n'a pas trop accroché. Je pense que c'est parce qu'il n'aime pas Wagner. Il doit être comme Woody Allen, quand il entend Wagner, ça doit lui donner envie d'envahir la Pologne. Or dès le début du film, on est submergé par l'ouverture de l'Or du Rhin, un mi bémol majeur qui s'égraine inlassablement comme une longue incantation obsédante procédant par vagues régulières. Et puis il y a aussi les voix off. Les deux acteurs principaux ne parlent pratiquement qu'en voix off. J'avoue que c'est particulier.

J'ai donc pensé vous montrer un tout petit extrait du Nouveau Monde vous donner une idée de la façon de danser des Australiens. C'est vraiment très court et peu significatif car on voit mal le personnage que j'avais gardé en mémoire. Quoi qu'il en soit c'est tout ce que j'ai sous la main car, pour revenir à nos danseurs, comme vous pouvez vous en douter, le temps que je reste stupéfait, que j'admire, que je pense à vous, que j'hésite à en manquer un bout pour aller chercher mon appareil photo dans la voiture, que j'aille à la voiture en courant et que je revienne, ils avaient déjà fini.

Pour voir l'extrait du Nouveau Monde, il faut cliquer ici.

Autre solution, aller faire un tour sur le site des Aborigènes en cliquant ici.

J'ai trouvé leur adresse sur Malango, le portail de l'océan indien. Un site d'information générale qui publie gratuitement en ligne un bi-hebdomadaire intitulé La Lettre de Malango auquel je m'étais abonné avant de venir à Mayotte. C'est un vrai petit journal plein d'informations sur Mayotte, les Comores, Madagascar, l'Afrique de l'Est, la Réunion... et même plus. J'y ai appris, par exemple, que Madame Konaré Ba s'apprêtait à publier à Bamako un petit livre de rappels historiques à l'attention de Monsieur Sarkozy dont le discours de Dakar a laissé insatisfaits les connaisseurs de l'histoire africaine.

Voici un lien vers La Lettre de Malango où vous trouverez un lien vers le portail.

Outre les Australiens, nous avons vu quelques bons concerts où j'ai plus dansé que filmé. Le peu que j'ai filmé n'est pas exploitable.

La photo d'en haut représente Jeh lors d'un concert de Bob Dalihou, célèbre rasta Mahorais. Avec Jeh et Fatou, nous sommes en train de mettre au point quelques morceaux que nous jouerons dans deux semaines lors d'un concert à Mtsanga Beach, une des rares scènes couvertes qui permettent de jouer au sec pendant la saison des pluies, la vraie, celle qui commence en novembre et qui a l'air d'avoir débuté si j'en crois ce que j'entends en ce moment sur notre toit. Le petit épisode pluvieux que nous avons eu précédemment n'était que ce que l'on appelle la pluie des mangues. Une pluie fort sympathique qui mène à maturité les mangues dont nous commençons à nous régaler.

lundi 20 octobre 2008

Devinette

Je regarde le monde à travers leurs longs cils. Qui sont elles ?

Pour le savoir, il faut cliquer ici.

dimanche 19 octobre 2008

Tortues


Il y a quelques temps j'ai croisé une tortue. C'était une belle grosse tortue qui a viré pour m'éviter. J'ai viré moi aussi pour nager dans son sillage. Tandis que je la suivais, elle s'est mise à décrire un grand cercle. Je n'ai pas insisté trop longtemps. Je ne voulais pas l'inquiéter. Bien sûr, je n'avais pas d'appareil photo.

Depuis, on m'a parlé de la plage de Moutsoumbatsou, peu fréquentée parce qu'il faut marcher vingt minutes à travers une forêt pentue pour y accéder. Voici la plage en question.



Dans la petite baie de Moutsoumbatsou, il n'est pas rare de voir nager des groupes de tortues. Effectivement, en haut de la plage qui est en pente, il y a de grands trous dans le sable qui témoignent du travail effectué par les tortues pour enfouir leurs oeufs. Avec un peu de bonne volonté, vous devriez pouvoir imaginer ou visualiser un de ces trous de tortues dans la photo ci-dessous.



Ce coup-ci, j'avais pris mon appareil et tout mon attirail. Malheureusement, la marée n'était sans doute pas assez haute. Elle montait pourtant, elle montait, mais pas assez. L'eau était chaude, sans doute trop chaude pour les tortues qui devaient brouter plus au large, attendant que cela rafraîchisse un peu.

L'eau était si chaude que j'ai craint pour le sac étanche dans lequel je mets mon appareil photo. Ce sac n'est garanti que jusqu'à 40°. Au-delà, le plastique se ramollit de façon inquiétante.

Vous pouvez constater que l'herbier où viennent brouter les tortues était tout à fait désert.



J'ai bien photographié quelques poissons, mais ils semblent tous se perdre dans un lointain confus. Finalement, puisant à la source du yoga qui affirme que le but de toute quête est en nous-même, j'ai réalisé une petite série d'auto-portraits en loser tropical dont je ne suis pas mécontent.

samedi 18 octobre 2008

Mzungu


Mzungu, Mzungu, j'emploie souvent ce mot sans la moindre explication. C'est regrettable. Voici pour combler ce manque quelques notes que j'avais prises peu après notre arrivée, quand nous n'avions pas encore Internet.

Mzungu, mzungu, c’est le mot qu’on entend partout dès qu’on se promène. Le Mzungu, connu et appelé ainsi dans toute l’Afrique de l’Est, c’est celui qui n’est pas du pays. Ce n’est pas tellement une question de couleur de peau. Nous avons parmi nos voisins un Mzungu algérien et un autre antillais. C’est surtout une question d’étrangéité, d’étrangeté et de porte-monnaie.

En effet le concept de Mzungu se trouve malencontreusement lié à celui d’euro. Un Mzungu, c’est bien souvent des euros à gagner. Même l’EDM (électricité de Mayotte) le sait. Ils ont un tarif spécial Mzungu pour le branchement du compteur. Ce n’est pas présenté comme ça bien sûr, simplement ils proposent un branchement dans les 48 heures moyennant quelques dizaines d’euros de plus. Il n’y a qu’un Mzungu pour accepter ça et je pense que pas un seul Mzungu, après une mauvaise nuit dans l’avion, n’envisage de prendre le tarif de base sans trop savoir quand il aura l’électricité. En tout cas nous n’avons pas fait exception.

En général le Mzungu qui vient travailler à Mayotte touche une prime rondelette qui revient à lui doubler son salaire. Tout le monde le sait. Les marchandes du marché de Dzoumogné qui ne parlent presque pas le français le savent, comme les épiciers de quartier, comme les marchands ambulants, comme les gérants de grandes surfaces ou comme tous les gens qui murmurent Mzungu, Mzungu lorsque nous pointons notre nez. Donc les prix sont multipliés par deux à mesure que le Mzungu s’approche. Franchement, c’est de bonne guerre. Dans notre cas, c’est tout de même délicat car avec mon seul salaire double, nous nous trouvons dans la situation d’un couple d’instits en voyage dans un pays où la vie est terriblement chère.



On parle donc beaucoup d’argent à Mayotte où l’on trouve de tout à toutes sortes de prix. Il y a plusieurs circuits commerciaux qui s’entrecroisent. Certains magasins sont visiblement conçus pour les Mzungu de luxe, ceux qui touchent deux salaires doubles et remplissent leurs caddies au supermarché avec la même désinvolture que s’ils étaient à leur Super U habituel. D’autres magasins reconnaissent l’existence de familles mzungu mono-salariées, d’autres sont à vocation clairement locale (ce n’est tout de même pas donné) et enfin il y a sur les marchés une foule de petits commerçants avec qui il est toujours possible et souvent agréable de discuter. Le prix ne baisse pas forcément mais on échange des plaisanteries et ça c’est vraiment inestimable.

À chaque fois que j’ai dit une blague à un facteur, à un livreur ou à un employé de la compagnie des eaux, j’ai toujours réussi à le faire sourire. C’est loin d’être le cas en métropole où mes blagues tombent en général très à plat quand je m'adresse à un professionnel dans l'exercice de ses fonctions . Je dois avoir un humour tropical. Ou alors, et c’est plutôt ce que je crains, les métropolitains ont très peu d’humour quand ils sont personnellement impliqués dans une situation drôle. Ici, jusqu’à présent, ça marche plutôt bien. Alhamdu lillahi !


J'écrivais donc ceci en août. Depuis j'ai découvert que les Mahorais étaient excédés par le coût exorbitant de la vie. Il y a eu pour cela des grèves et des manifestations. J'ai pu mesurer également une effarante disparité des niveaux de vie. On trouve des gens extrêmement pauvres et cyniquement exploités et d'autres extrêmement riches, bien au-delà de ce à quoi peuvent prétendre les Mzungu qui, même s'ils sont bien payés, restent cependant des fonctionnaires.

Pour terminer sur une note plus divertissante, voici quelques considérations grammaticales. J’écris au pluriel les Mzungu sans « s » mais non sans souffrir dans ma conscience linguistique et je crois que pour avoir l’âme en paix, je vais me résoudre d’ici peu à franciser ce pluriel et adopter la graphie Mzungus. De le voir écrit ainsi, à l’instant, cela me paraît très vilain. Peut-être vais-je oser écrire Mzoungous qui est, après tout une francisation plus cohérente, et pas si vilaine que cela, finalement. C’est le même principe qui est souvent adopté pour la translittération de [bãtu] en Bantou : les Bantous, les langues bantoues. C’est aussi le même principe qui a produit Mahorais pour rendre [maore].



Le pluriel correct de Mzungu est Wazungu mais j’y ai vite renoncé en constatant que j’étais le seul à l’employer. Tous les Mahorais, Anjouanais ou Grands-Comoriens dont j’ai épié subrepticement les usages linguistiques disent sans vergogne les Mzoungous. Peut-être que le mot, désignant les étrangers, a pris lui-même un caractère étranger et a glissé de ce fait hors du cadre foisonnant du système nominal mahorais et de ses pluriels pittoresques.

Il m’était arrivé la même chose à Pékin où je m’étais appliqué quelques jours à dire yi zhang piao (一张票)pour acheter mon ticket de métro alors que tous les Chinois disaient yi ge piao (一个票), traitant avec beaucoup de légèreté des siècles de grammaire pourtant simple et paisible.

Même avec les meilleures raisons grammaticales du monde, on ne lutte pas contre tout un peuple. En tout cas, Lao Tseu aurait recommandé de ne pas lutter.

De même si les Français ont envie d’aller au coiffeur, je peux leur conseiller d’y renoncer pendant mes heures de service. Mais guère plus.

Les photos qui illustrent assez maladroitement ce message présentent des Mzoungous jouant de la musique. Je n'en avais pas d'autres. Je ne peux tout de même pas aller photographier des Mzoungous dans la rue ou sur la plage en leur disant "C'est pour mes amis de métropole."

Sur les photos on voit Gérard et moi à la guitare et Tom au balafon ainsi que René, le meilleur bricoleur du quartier, qui m'aide à rafistoler mon arc musical.

Pour écouter de la musique mzoungoue, il faut cliquer ici.

dimanche 12 octobre 2008

Petite-Terre



Vacances, le plus beau mot de la langue française ! Du moins c'est ainsi que je le ressens quand je n'ai plus à me lever à cinq heures du matin et que je peux faire la grasse matinée jusqu'à sept heures. Le rêve. Pour fêter ça, nous somme allés sur Petite-Terre où nous n'étions jamais retournés depuis notre arrivée.



Pour y aller en voiture, il faut prendre une barge spéciale assez précieusement dénommée "amphidrôme". Ce coup-ci, mon chapeau ne s'est pas envolé. C'est un modèle musulman, mieux adapté au vent.



En route pour les plages de Moya, célèbre lieu de ponte des tortues. Ces plages sont d'anciens cratères à fond plat ce qui leur donne de magnifiques formes circulaires. Juste à côté, il faut tout de même marcher et grimper un bon moment sous un soleil redoutable, un autre ancien cratère plein d'une eau verte et sulfureuse, le Dziani Dzaha.



Un dernier coup d'oeil à la carte et c'est déjà le soir.



Retour par la barge à la tombée de la nuit.



Cela me donne envie de visiter Hong Kong.

dimanche 5 octobre 2008

La route de l'intérieur



Je suis souvent sur la route, essayant de ne pas trop regarder le paysage et de prendre garde au zébu qui pourrait traverser placidement juste derrière le virage.

J'ai appris récemment que la vitesse était limitée à 70 km/h sur toute l'île. Sage mesure mais peut-être inutile car les occasions d'atteindre cette allure ébouriffante sont assez rares. En effet, les routes sont montueuses, tortueuses et souvent déformées. En général, on roule à 60 km/h, souvent en petits (ou longs) convois car on finit toujours par rattraper plus lent que soi. Là, il faut prendre son mal en patience et pour peu qu'on soit un rien stoïque, on se console facilement en regardant le paysage. À 40 km/h, on ne craint plus grand chose. Gare tout de même au zébu, toujours possible, et à l'imprudent qui s'est imaginé qu'il pouvait doubler dans le virage puisqu'il ne voyait personne en face.

L'accident de la route est la première cause de décès de Mzungu sur l'île. Rien a voir cependant avec nos hécatombes métropolitaines. Cette statistique est d'ailleurs particulièrement trompeuse puisqu'en général, les Mzungu ne meurent pas ici, non qu'ils soient mystérieusement protégés contre les aléas de la vie, mais simplement parce qu'en cas de maladie grave ils sont envoyés à la Réunion ou en métropole.



Pour revenir à la route, les gens d'ici ont une conduite assez insouciante, parfois dangereuse mais plutôt débonnaire. Il semble qu'ils ignorent l'usage du klaxon et de l'insulte. C'est très rafraîchissant. On se cède volontiers la priorité. Pour déboîter d'une file de voitures en stationnement, il suffit le plus souvent de clignoter pour que quelqu'un vous laisse gentiment passer. Même les chauffeurs de taxis font ça. C'est dommage qu'on y pense pas en métropole parce que c'est vraiment pratique.

Cela donne en outre l'occasion de se remercier, de se faire des sourires et des gestes amicaux. Des gestes amicaux entre automobilistes, je n'avais vu ça que dans des romans de science-fiction particulièrement sombres et angoissants où le héros se débat pour échapper à un ordre social aseptisé dans lequel une sorte de bonheur mièvre est obligatoire. Rien de tout cela ici, les gens ne sont pas décérébrés, ils sont simplement gentils.

Bien sûr on peut toujours rencontrer un mufle, mais c'est rarissime. J'ai connu d'autres climats où cela semblait être la norme.



La route que je préfère est celle que je prends pour aller à l'Institut de Formation des Maîtres. C'est celle qu'on voit sur la vidéo si l'on clique ici. Elle ne paie pourtant pas de mine. On y est longtemps loin de la mer, car elle passe par l'intérieur de l'île qu'elle traverse d'Est en Ouest puis d'Ouest en Est après avoir rebondi sur la côte Ouest. Ce n'est pas la route la plus touristique de l'île, pour autant qu'il y ait ici des routes touristiques. Mais c'est une route qui a beaucoup de charme et qui est très parfumée.

On appelle Mayotte l'île aux parfums. Cela fait un peu dépliant touristique mais c'est vrai. L'air est souvent chargé de parfums, surtout d'ylang. Notamment le long de cette route de l'intérieur où des bouffées d'ylang s'engouffrent par les vitres baissées de la voiture.

C'est une route assez peu fréquentée par les taxis si bien qu'on y rencontre de nombreux stoppeurs. Les Mahorais se déplacent beaucoup d'un village à l'autre et le stop est très répandu, très digne aussi. Le stoppeur attend à l'ombre, sur le côté gauche si l'ombre est à gauche. Il prend le temps de bien regarder qui conduit, si bien que souvent son geste, assez discret, ne se déclenche qu'au dernier moment.

En général, je prends tout le monde. Je remplis la voiture comme un vrai taxi de brousse. C'est une sorte de devoir civique. Et puis c'est l'occasion d'apprendre quelques mots de shimaoré, ou de shibushi si je suis vers Akoua ou Mtsangamouji. C'est l'occasion de discuter ou plutôt d'écouter parler. Je ne parle pas beaucoup, sauf si le stoppeur ou la stoppeuse ne parle pas français.

C'est plus souvent les femmes d'ailleurs. Je pense que certaines parlent le français bien mieux que ce qu'elle laissent entendre. Elle doivent jouer à me faire baragouiner en shimaoré, jeu auquel je me prête volontiers, dans l'étroite limite de mes moyens linguistiques.

Le temps de ne rien comprendre à trois questions, d'en faire répéter deux autres, de trouver l'occasion d'utiliser mon maigre stock d'expressions courantes, de rire de mes maladresses et nous sommes arrivés.

Usushuka havi ?
Mukiri.
Mukiri dé havi ?
Vavo... Basi, kwahéri.
Kwahéri, bwéni.

Elle descend, ferme la portière et me dit au revoir d'un signe de main et d'un sourire complice et ensorceleur.

Ces apparitions du bord de la route, je les qualifierais volontiers de renardes, dans le sens chinois du terme, si j'étais bien sûr qu'on n'y voie rien de péjoratif. On trouve souvent dans les contes chinois un lettré, égaré dans la forêt et séduit par une de ces femmes-renardes, sans que le gaillard s'en trouve particulièrement mal, si j'ai bonne mémoire.

Il y a ici aussi cette ambiance de séduction qui est toujours plus ou moins présente. Souvent sous forme de jeu ou de taquinerie. Ce doit être l'ylang qui imprègne tout de son parfum subtil et capiteux.

Puisque nous sommes dans les parfums, permettez-moi pour finir de vous offrir ce quatrain extrait pour vous de Parfum exotique, un sonnet des Fleurs du mal :

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.


Qu'aurait été l'oeuvre de Baudelaire sans son voyage dans l'océan indien ?