dimanche 16 août 2009

John DeFrancis

J’ai passé des années à parcourir en tous sens les livres de John DeFrancis. Des années à rêver en caressant des yeux les merveilleux caractères chinois avec lesquels il ouvrait de petites fenêtres sur des mondes inconnus.

Beginning chinese reader.
Carte présentant quelques localités de Chine
dont les noms ne contiennent que des caractères très courants.

Il y avait la série bleue des Character text, dans laquelle on suivait Vincent White, un jeune étudiant américain découvrant une Chine intemporelle d’allure taïwanaise. On le voyait tomber insensiblement sous le charme de Mei Ying, la fille du très cultivé Monsieur Gao, ami de son logeur. Chacun de ces trois gros volumes bleus correspondait à une année universitaire. Les DeFrancis, c’était une institution dans le monde des études chinoises.

Il y avait aussi la série rouge des Readers, savamment conçue pour mettre le plus rapidement possible l’étudiant en mesure de lire livres et journaux chinois. C’était une immense collection de petits textes, un fantastique kaléidoscope où se reflétaient par fragments des milliers d’images chinoises. On y trouvait des scènes de la vie scolaire avec de bons et de mauvais élèves, de bons et de mauvais professeurs, des universitaires à la pelle, des libraires, beaucoup de libraires, mais aussi des marins en quête de nouveaux horizons, des ouvriers et des paysans, de gros propriétaires terriens et de grands entrepreneurs, de vieilles commères et de jeunes épouses, des buffles, des rizières et des bâtonnets d’encens . On pouvait y lire des slogans révolutionnaires et des citations d’auteurs anciens, des cartes de géographie, des menus, des programmes… Une mine d’or.

Le moindre de ces ouvrages comptait plus de cinq cents pages. J’en avais huit occupant une place respectable et rassurante dans mon rayon chinois. J’ai ainsi vécu des années de voyage intérieur en v.o.

Je ne pouvais pas partir à Mayotte sans emporter les Readers

Tout ce que je savais de John DeFrancis, c’est qu’il passait sa vie à étudier et à enseigner le chinois à l’université de Honolulu (Hawaï). Le chinois et les cocotiers, franchement, est-ce qu’il pouvait faire mieux ? D’autant que pour un Américain, Honolulu, c’est ce qui est le plus proche de la Chine. À force de fréquenter ses ouvrages, j’avais construit cette image idéale du bienheureux, lettré chinois d’adoption, s’adonnant à sa passion dans une île paradisiaque. Alors l’autre jour, quand je me suis mis à écrire en chinois sur le sable de la plage de Mbwanatsa, j’ai pensé au tour sinueux que peuvent prendre les choses et cela m’a fait sourire.

Ce matin, j’ai cherché sur Internet à en savoir plus sur ce monsieur qui m’a fait rêver si longtemps. J’ai appris qu’il nous avait quitté cette année à l’âge de 97 ans. Il était encore en train de travailler à améliorer son dictionnaire électronique qui est déjà une merveille. À midi, je n'ai pas pu manger.

Il avait appris le chinois en Chine dans les années trente, à l’époque où Hergé rencontrait un étudiant chinois nommé Tchang qui allait lui inspirer le Lotus bleu. Voici une photo de lui à cette époque et voici le lien vers la page où j’ai trouvé cette photo, dans un album qui lui est consacré.

Désert de Gobi. 1935

Voici également un lien vers un article du New York Times et encore un lien vers un article de Wikipédia qui contient d’autres liens intéressants.

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