dimanche 9 novembre 2008

Concert à Mtsanga Beach



Hier soir, concert à Mtsanga Beach. C’est un bel endroit que l’on peut louer pour toutes sortes de grandes occasions. Il y a un bar, une cuisine, un grand espace couvert pour les musiciens et une bonne partie du public, une belle plage et un grand parc dont la pelouse est taillée comme celle d’un golf, enfin, je l’imagine car je ne connais rien au golf. On peut y planter sa tente en prenant garde à ne pas s’installer sous un cocotier pour des raisons évidentes de sécurité.

Nous avons dormi là-bas car nous voulions entendre de nombreux groupes que nous ne connaissions pas encore. Nous nous étions acheté pour l’occasion une tente extrêmement prometteuse puisque le carton qui l’emballait portait en gros caractères cette curieuse mention: Erecting in a few seconds. En fait, c’était simplement un cordon sur lequel il fallait tirer pour voir la tente se déployer plus ou moins toute seule.


Le programme du concert était chargé et fluctuant jusqu’au dernier moment. Cela a duré de dix-huit heures trente jusque vers six heures du matin. Nous avons fait l’ouverture, Fatou, Jeh et moi sous le nom bambara de Tchiwara-denw, les enfants du Tchiwara. Je vous raconterai une autre fois la légende du Tchiwara. Notre prestation s’est plutôt bien déroulée, à une heure où il n’y avait pas grand monde, mais les gens qui étaient là étaient attentifs, notamment les enfants. Cela fait toujours plaisir.

Le son est souvent mauvais dans ce genre de concerts. Toujours trop fort côté public et pas assez, côté musiciens. Tout le monde le sait, mais personne ne semble faire grand chose pour y remédier.

Il y avait principalement du reggae car la soirée avait été organisée par un collectif de rastas. Il y avait aussi Lathéral, la figure emblématique du mgodro dont j’ai déjà parlé et dont voici une photo.



Les trois photos de ce message ont été prises pendant son concert. En haut, c'est Tcho, son joueur de gabous. En bas, c'est l'ambiance, côté spectateurs.
Ce coup-ci, j’ai filmé Lathéral. Pour voir ça, on clique ici.

Il y avait aussi une frénésie malgache endiablée qui a mis le feu au public du milieu de la nuit, suscitant chez les plus jeunes, les danses les plus effrontées qu’il me fut jamais donné de voir. Je me suis renseigné sur ce groupe qui n’était pas à l’affiche. C’était les musiciens malgaches de Daddy Happy, reggae man et principal organisateur de la soirée, qui faisaient du remplissage en attendant de régler un problème de sono.

-Et le chanteur, comment il s’appelle ?
-Oh, lui, c’est un des types qui ont livré la sono.

Ce type avait certainement un nom, et sans doute un nom connu dans le domaine de la frénésie malgache. Il chantait comme s’il disputait un match de catch à quatre à lui tout seul. Il semblait pourfendre des nuées de djinns qui l’assaillaient, comme elles assaillaient le public. C’était dantesque.

Pour Dante, c’est comme pour le golf, je n’ai, malheureusement, jamais lu, mais il me semble que j’imagine très bien. Cela doit ressembler, en plus moderne et en plus italien, à l’Espurgatoire Seint Patriz de Marie de France qui, je le vérifie à l’instant, est la principale source de la Divine Comédie.

Pour les djinns, je n’ai pas encore eu l’occasion de vous dire qu’ils sont très présents à Mayotte. On m’a rapporté qu’ils pouvaient vider d’un coup une classe ou même toute une école, les parents gardant les enfants à la maison jusqu’à ce qu’ils aient l’assurance que les djinns ont bien quitté les locaux scolaires. Les enfants craignent surtout un djinn à tête de vache, appelé Séranyombé qu’ils accusent de déplacer leurs cartables pendant la récréation.




Pour revenir au concert, il y avait encore un bon nombre de musiciens dont Éliasse que je n’avais jamais entendu, pas même en disque. Avec deux acolytes, ils formaient un trio : guitare, basse, percussions et trois voix finement et savamment travaillées. Cela sonnait merveilleusement bien. Malheureusement, eux ne l’entendaient pas dans leurs retours. Éliasse a demandé plusieurs fois qu’on monte ceci ou cela, puis, comme rien ne changeait, il nous a expliqué que ce n’était pas possible, que s’ils ne s’entendaient pas, ils ne pourraient rien faire de bon. Alors ils nous ont plantés là et ont quitté la scène, un peu fâchés, tout de même.

Je pense que cette attitude, qui peut paraître intransigeante, doit être ce qu’on appelle le professionnalisme, ou au moins s’y apparenter. Moi qui suis, de longue date, converti à l’esthétique des lettrés chinois, et qui cultive l’amateurisme et le détachement dans le domaine de l'art, j’ai chanté en me disant que le son était vilain, ce qui n’allait pas arranger ma voix de casserole. Côté public, j’en ai eu la confirmation ensuite, le son était effectivement vilain. Cependant l’énergie et la poésie passaient, c’est là l’essentiel, pour les lettrés chinois qui voient de l’énergie et de la poésie partout. Mais je comprends qu’il y a des musiciens pour qui l’essentiel est dans la qualité acoustique des sons produits et j’admets très bien la réaction d’Éliasse que j’espère pouvoir entendre dans de meilleures conditions bientôt car cela avait l’air vraiment intéressant.

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