jeudi 7 octobre 2010
Comment apprend-t-on à jouer du gaboussi à Mayotte ?
À Mayotte, pour apprendre à jouer du gaboussi, la façon la plus simple et la plus naturelle est d’aller s’asseoir à côté de quelqu’un qui sait en jouer, de bien l’écouter et de bien l’observer.
Cela peut se faire entre pairs, entre amis. On fait tourner le gaboussi. Chacun joue à son tour tandis que les autres chantent ou accompagnent en tapant des mains ou en secouant un mkayamba ou une canette de soda contenant de petits cailloux.
Cela peut se faire également en allant chez un fundi. Un fundi c’est quelqu’un qui maîtrise un savoir ou un savoir-faire. On peut être fundi de gaboussi, fundi de mécanique, fundi maçon… et bien sûr fundi coranique. Il n’y a pas de diplôme de fundi. Si vous voyez que des gens ont remarqué que vous savez bien coudre les vêtements et qu’on vous demande des conseils dans le domaine de la couture, c’est que vous êtes devenu un fundi couturier. Il n’y a pas besoin de mettre une plaque de cuivre sur votre porte, cela se sait déjà.
C’est normal de devenir fundi quand on pratique assidûment quelque chose. Cela fait partie de la vie. Quand on a amassé des connaissances, on les transmet à d’autres. Cela ne se monnaie pas. On y gagne le prestige modeste d’être reconnu comme fundi et éventuellement un petit cadeau de temps à autres. On y gagne surtout le plaisir de voir un petit jeune jouer tel morceau qu’un vieux bakoko nous avait enseigné il y a très longtemps quand on était soi-même jeune et inexpérimenté.
Le fundi explique très peu, ou même pas du tout. Il montre simplement. Il donne à voir et à entendre. Il joue tandis que son élève essaie de reproduire ce qu’il voit et ce qu’il entend.
Une autre façon d’apprendre, régulièrement attestée, est de se fabriquer un gaboussi et d’aller s’installer au bord d’une rivière. Là, entre le bruissement des bambous et le clapotis de l’eau, il serait bien étonnant que les doigts ne trouvent pas le chemin des notes qui sonnent bien. Des notes bien mahoraises qu’on a dans les oreilles depuis la plus tendre enfance. Pour expliquer l’efficacité de cette méthode, j’avancerai l’hypothèse que la rivière, en dehors de l’espace humain du village, relève du monde des djinns et que ceux-ci soufflent à l’apprenti musicien les belles notes qu’ils aiment entendre lors des cérémonies qui leur sont consacrées.
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