dimanche 15 août 2010

Sortie en mer

Grande-Terre, en remontant vers la passe nord.

Les baleines sont arrivées, mais il n’y en a pas encore beaucoup. Ce sont de grandes baleines à bosse. Une fois par an, Quand l’hiver austral est trop rude, elles quittent l’Antarctique pour venir se reproduire dans l’océan Indien. Certaines ont choisi Mayotte pour leur lune de miel, et pour mettre bas l’année suivante. C’est l’occasion de sortir en mer pour essayer de les voir. Il y a plusieurs associations qui organisent ce genre de sorties dans les règles de l’art, c’est-à-dire, pour l’essentiel, en respectant la réglementation régissant l’approche des mammifères marins. Il ne s’agit pas de harceler ces pauvres bêtes mais simplement d’être témoin respectueux de la grandeur de la mer et de ces habitants. C’est dire si j’étais consterné de m’entendre chantonner :

« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme… »

Que voulez-vous, j’étais content et quand je suis content je chante ce qui me passe par la tête. Il y avait de la houle et l’excitation de la quête, alors ça sortait tout seul :

« Dès que le vent soufflera… »

Même les couplets les plus prosaïques empruntaient mes lèvres pour goûter l’air du large :

« J’ai déserté les crasses qui m’disaient soit prudent, la mer c’est dégueulasse… »

Je vous laisse terminer la strophe, c’est trop bête pour être écrit dans un blog aussi élégant. C’est bête, mais j’avoue que c’est drôle. Aussi, penaud mais amusé, je chantais à mi-voix pour ne pas importuner mes compagnons d’expédition qui n’avaient peut-être pas les mêmes goûts musicaux que moi.

Péponocéphales

J’étais donc sur un bateau de Seablue Safari, à la recherche d’une baleine. Il y avait le capitaine avec une vraie tête de loup de mer, une bénévole de l’association Mégaptéra, quelques mzoungous, amis de la nature, et des passionnés qui venaient de très loin, spécialement pour voir les baleines, les filmer et les photographier, juste pour le plaisir. Parmi eux, il y avait une jeune femme qui avait une belle baleine tatouée sur un bras et deux autres sur l’autre bras. J’étais très impressionné.

En plus de mes palmes et de mon masque, j’avais apporté un carnet de croquis et des crayons. J’ai ainsi découvert le plaisir de dessiner sur une embarcation chahutée par les flots. Ça sautait là-dedans ! Pas moyen de faire un trait un peu droit. Moi qui ai un style paisible et appliqué, j’étais obligé de donner de vigoureux coups de crayons fébriles et hâtifs. Très intéressant.

Dessin secoué, un peu retouché sur la terre ferme

Nous n’avons vu qu’une baleine, de très loin. Nous avons surtout vu le geyser que son souffle produit quand elle refait surface, de temps à autre. Elle restait très longtemps en plongée. Nous attendions, le bateau en panne, ballotté par la houle, ce qui n’était pas au gré de tous les estomacs. Comme la baleine était peu visible, je dessinais les êtres humains qui la guettaient.

Certains de nos Argonautes passant peu à peu du blanc livide au verdâtre inquiétant, le capitaine nous proposa sagement de reprendre la route en quête de dauphins. Nous en avons vu de trois espèces différentes : grands dauphins, stenelles à long bec et péponocéphales, appelés aussi dauphins d’Électre. Ces dauphins d’Électre sont de grands chanteurs. Ils n’ont pas de rostre, ce qui les fait ressembler à de petites orques. Ils ont longtemps surfé à l’avant du bateau. On entendait leur souffle de mammifères qui nous les rendait émotionnellement très proches. Vous pouvez les voir nager autour du bateau en cliquant ici.

Avec les grands dauphins et les péponocéphales, nous nous sommes mis à l’eau. Les péponocéphales émettaient de nombreux cris stridulants en passant en dessous de nous ou sur le côté. On les voyait apparaître, surgissant des profondeurs, traverser notre champ visuel puis se fondre insensiblement dans un bleu de phtalocyanine.

Péponocéphale

Une journée de rêve. Café croissants sur le bateau et repas de midi sur la plage du Préfet. À refaire plus tard dans la saison.

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