samedi 7 août 2010

Graine de moutarde



J’étais parti pour peindre, mais peindre, c’est passer beaucoup de temps à la maison. Or, j’ai envie d’être dehors, de profiter de cette belle saison. Alors je peins peu et je dessine beaucoup. Le dessin, c’est plus pratique, cela tient dans un petit sac à dos. Ensuite, il n’y a plus qu’à ouvrir les yeux. Où que j’aille me balader, il y a toujours quelque chose à dessiner. Je n’ai qu’à trouver un cadrage. Pour cela, je n’ai souvent que l’embarras du choix.

Quand je regarde mes dessins, surtout des paysages, je leur trouve un air chinois.

Les Chinois ont un livre connu en occident sous le nom de Manuel du Jardin de la Graine de Moutarde (au sens de « grand comme une graine de moutarde). C’est une collection de modèles de peintures pour peintres lettrés amateurs. Être amateur, c’est une vertu très prisée dans la culture classique chinoise. Pour un lettré chinois, qui est tout de même un professionnel du pinceau, un peintre professionnel a quelque chose de laborieux. Le lettré veille donc à ce que ses peintures n’aient pas l’air trop appliqué, ni trop fini. Pour ma part, le problème ne se pose pas. Je suis assez maladroit pour que ces choses se fassent sans effort.



Ce Manuel du Jardin de la Graine de Moutarde propose au lettré chinois, ou à l’amateur sinisé, des paysages dans le style de tel ou tel grand maître, mais aussi des éléments de paysage : des arbres, des feuillages, des cascades, des ponts qui enjambent de clairs ruisseaux ou d’épouvantables précipices, c’est à vous de choisir, c’est à vous de recomposer votre paysage à partir de ces éléments de base. Vous pouvez y glisser aussi des personnages dont l’ouvrage vous donne quelques échantillons : un poète perdu dans la contemplation d’une montagne, deux musiciens assis dans l’herbe avec leur cruchon de vin, un ermite taoïste, un pêcheur lançant son filet…

Comme je l’ai déjà signalé, il n’y a pas, ou très peu de Chinois à Mayotte. En tout cas, il n’y en a pas assez pour que l’un d’eux se soit penché sur la question de la représentation sur une feuille de papier de cette île, grande comme une graine de moutarde.

Comme souvent, dans ces cas-là, on est réduit à faire les choses soi-même, au moins a-t-on le plaisir de les faire. Je suis donc en train de construire ma propre collection d’éléments picturaux mahorais, des petits signes en noir et blanc pour représenter toutes sortes de feuillages et d’éléments végétaux, ce qui m’amène aux confins de la botanique que j’avoue avoir négligée jusqu’à présent. Pour m’y retrouver, j’en viens à nommer des arbres et des plantes qui jusqu’à présent meublaient anonymement le décor. L’eau aussi, avec ses vagues, ses rides et ses miroitements est un véritable labyrinthe de signes graphiques à découvrir. Comment représenter par des traits une masse liquide, informe par définition ?



Les femmes enfin, « l’autre énigme de l’univers », comme les définissait si bien le Docteur Emmett Brown, mettent à rude épreuve mes capacités de symbolisation. Les coiffures surtout, le mystère des coiffures mahoraises. Que ce soit dans l’art du tressage ou dans les nombreuses façons de porter un kishali, les femmes rivalisent d’ingéniosité et de créativité. Pour comprendre comment cela fonctionne, je m’assieds sur un muret à une heure populeuse et je note sur mon carnet les coiffures qui passent. Pas le temps de faire des choses compliquées, seulement les lignes principales, un schéma d’ensemble ou bien juste un détail.

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