dimanche 22 février 2009

Wadaha


La vie associative est très développée à Mayotte. Chaque village compte plusieurs associations qui organisent souvent des manifestations sportives ou culturelles, sans forcément se concerter, si bien qu’il nous est arrivé, pour assister à une séance de mbiwi, d’attendre la fin d’un match de hand-ball féminin programmé au même endroit et à la même heure. Ce n’était d’ailleurs pas très gênant car, de toute façon, les mbiwi avaient trois heures de retard. Nous étions donc bien contents de voir le match de hand qui nous fit patienter agréablement.

Ces associations font connaître les événements qu’elles organisent en envoyant de brefs communiqués à la radio et à la télé. C’est ainsi que lors d’une visite chez des amis, j’ai appris par la télé qu’il y avait ce samedi un wadaha à Bandrélé.

J’avais déjà manqué deux ou trois wadaha dont j’avais eu connaissance. J’ai donc bien pris soin cette fois-ci de noter l’heure et le lieu. En fait, l'heure ne veut pas dire grand-chose, elle permet simplement de savoir si la manifestation se déroulera le matin ou l'après-midi, ce qui n'est déjà pas si mal.



Le wadaha est une très belle danse dans laquelle un groupe de femmes tourbillonne autour d’un mortier en donnant à tour de rôle de vigoureux coups de pilons qu’elles lancent en l’air et que leurs compagnes rattrapent à la volée.

Dans la danse que nous avons vue, qui impliquait des groupes de huit ou neuf femmes, il y avait trois pilons. Une femme qui se trouvait bien placée dans le tourbillon attrapait au vol un pilon, en frappait le fond du mortier et le lançait en l’air pour la femme suivante tandis qu’elle-même attrapait le second pilon puis le troisième avant de céder sa place à une compagne bien placée. En cédant sa place près du mortier pour regagner le tourbillon extérieur elle effectuait un gracieux et savant tour sur elle-même en inclinant le buste et en tournant le dos au mortier. Tout cela sans jamais interrompre sa course.

Dans Musique et société aux Comores, Damir Ben Ali précise que « De par sa rapidité, la danse est hasardeuse et la meneuse de jeu veille pour que deux coépouses d'un même mari ou leurs alliées n'y participent pas en même temps. L'une peut facilement et gravement blesser l'autre. »

La polygamie est interdite à Mayotte, mais c’est assez récent. La remarque de Damir Ben Ali est donc toujours pertinente. (En fait, si j'ai bien compris, la polygamie est interdite aux fonctionnaires de l'État. Cette interdiction va être bientôt étendue à tout le monde, pour les nouvelles générations. Il est de notoriété publique que beaucoup d'hommes ont une seconde épouse à Madagascar ou aux Comores.)

Ce wadaha était organisé par une association du village de Bandrélé dans le but de collecter des fonds pour financer un voyage à l’île Maurice. Si l’on considère le prix exorbitant des voyages au départ de Mayotte, les modiques deux euros du billet d’entrée et l’orchestre qu’il leur a bien fallu payer, il faudra sans doute organiser d’autres wadaha et de nombreux mbiwi avant de pouvoir aller à Maurice.



L’orchestre était du type habituel : basse, batterie, guitare, clavier et trois chanteurs. Traditionnellement le wadaha se dansait sur les ngoma (tambours à deux peaux) et les tari (tambours sur cadre).

Il y avait également ce jour-là à Bandrélé deux groupes de jeunes filles qui dansaient sur deux rangs distincts et formaient ainsi un cadre ondoyant et coloré à la danse du mortier qui, elle, était exécutée par des femmes plus mures.

Pour voir cet incroyable tourbillon, il faut cliquer ici.

1 commentaire:

  1. Merci. On considere generalement le wadaha comme une specialite d Anjouan. BEN ALI omet soigneusement de mentionner que la choregraphie est une allegorie sexuelle, pourtant assez evidente. On peut supposer que le wadaha derive de rites initiatiques pre-nuptiaux des femmes swahilis (ex: sero/kisazi, msondo, vugo). Deux dances similaires au wadaha existent dans la region:

    - le mandungurudu chez les Chagga et le Pare du Nord de la Tanzanie. Memes accessoires, meme contexte que le wadaha.

    - le "chitete" comorien consiste a heurter les deux pilons.


    forgottenfr

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