dimanche 15 février 2009

Masheve


J’ai évoqué dernièrement, assez rapidement, les masheve (en utilisant la transcription usuelle machévé). Je voulais apporter rapidement quelques précisions, mais je m’aperçois que deux semaines se sont écoulées. Deux semaines pendant lesquelles les plus mélomanes, et parmi eux, ceux dont la mélomanie ne renie pas son étymologie, ceux qui perçoivent nettement le lien sémantique qui unit les mots mélomane, héroïnomane, kleptomane et monomaniaque, de pauvres diables donc, attendent de voir à quoi ressemblent ces masheve.
J’espère qu’ils me pardonneront en admirant la belle photo ci-dessus.

Comme on ne voit bien que ce que l’on connaît, que ce dont on a construit une image mentale, voici une description des masheve que j’ai trouvée dans Origine des instruments de musiques d’André SCHAEFFNER qui cite un texte de Georges PETIT, publié en 1923 et intitulé : Sur une collection ethnographique provenant de Madagascar. Le texte ne donne pas de nom à cet instrument. Ce fut donc une belle surprise pour moi et un grand plaisir de voir l’image des masheve se dégager peu à peu des termes de la description :

Au nord-ouest de Madagascar il s'agit d' « une série de petits récipients rectangulaires tressés en feuilles de cocotier » et qui renferment des « grains de sable, des graines diverses et même du riz » ; « cet instrument est attaché au moment des danses, autour des chevilles, par les deux extrémités libres d'une corde sur laquelle les petits casiers sont enfilés. »


Origine des instruments de musiques de SCHAEFFNER est un grand classique, un monument qui date des années trente. Il a été réédité par l’École des Hautes-Études en Sciences Sociales en 1994. C’est tout à fait le genre de livre qu’on imagine sur une étagère de la bibliothèque de Tintin, à côté de celui qui mentionne l’existence d’un certain fétiche arumbaya.

Il ne faut pas déduire du rapprochement avec Tintin que ce livre est vieillot et poussiéreux, bien au contraire, c’est une mine de renseignements rares qui émaillent une belle réflexion sur la musique. La langue, le sujet, le style et l’érudition font penser à l’univers d’Hergé mais l’attitude de l’auteur est étonnamment moderne comme en témoigne cette citation de CHESTERTON qu’il place en exergue à son ouvrage :

« ...ce que vous voulez, au fond, c'est que tous les peuples s'entendent pour apprendre les tours que votre peuple connaît le mieux. Le Bédouin arabe ne sait pas lire, aussitôt on lui envoie d’Angleterre quelque missionnaire ou quelque maître d’école pour lui apprendre à lire. Il ne se trouve personne pour dire : « Ce maître d'école ne sait pas monter un chameau : payons un Bédouin pour le lui enseigner. »

Vous dites que votre civilisation embrassera toutes les aptitudes? Mais le fera-t-elle? Pouvez-vous dire sérieusement que, quand l'Esquimau aura appris à voter pour le Conseil municipal, vous aurez appris à harponner la baleine? »


G. K. CHESTERTON, Le Napoléon de Notting Hill, 1-2 (trad. Jean Florence).

Cette modernité me fait penser à Montaigne, homme de lettres et lointain précurseur des blogueurs (bloggers ) dont je songe à vous entretenir quelque jour.

Pour réécouter les masheve accompagnant l'arc musical dans une reconstitution hypothétique de musique paléolithique, il faut cliquer ici.

Pour revoir les masheve tels qu'on les utilise aujourd'hui à Mayotte en dansant le shakasha, il faut cliquer ici.

3 commentaires:

  1. Jeje mogne

    Cette percussion est connue sous les noms de Msewe / masewe / manyanga (Zanzibar et tanzanie), magewe (Mozambique), atitish (ethnies Beni du soudan) tous homonymes du nom endemique du fruit creux qui sert de resonnateur.

    forgottenfr

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  2. Merci pour ces précisions

    Marahaba nyengi

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  3. Moi, je ne pourrai rien te dire sur les "Masheve", mais j'ai aimé, c'est beau la culture!
    Michel

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