mercredi 27 avril 2011

Les jumeaux divins





Kolosan taillant une cheville de gaboussi


Je revenais de chez Kolosan à Chiconi où j’avais passé la matinée à le regarder terminer un gaboussi. À la sortie de Kahani, une jeune femme me fait signe. Elle va à Mamoudzou. Je peux l’avancer jusqu’à Tsoundzou. Elle monte...

Quelques virages... des bambous... encore des virages... je lui demande si elle connaît Kolosan ? Elle me demande s’il est de Kahani.

Les réseaux de connaissances des Mahorais sont structurés par l’appartenance à tel ou tel village. Il y a le village de la mère et le village du père. On y a des statuts très différents. Et puis il y a les villages où rien ne nous lie et dont, le plus souvent, on ignore tout. Sophie Blanchy décrit très bien cela dans La vie quotidienne à Mayotte.

Donc, elle ne connaît pas Kolosan. Et qui elle connaît, alors, comme musiciens mahorais ? Le premier qui lui vient à l’esprit, immédiatement, c’est Lathéral puis M’toro Chamou et puis toute une ribambelle : Mikidache, Bob Dahilou, Zaïnoun, Babadi… Bo Houss, bien sûr, et d’autres encore dont je ne me souviens plus maintenant. Soundi ne lui dit pas grand chose, mais quand je lui chante « Karamane wala karashindrane, kwaheri, wami nisendra dzangwe », cela éveille en elle un écho lointain.

L’établissement de ce catalogue des musiciens mahorais, associés à leur village d’origine, nous a tenus d’humeur joyeuse jusqu’à Tsararano où je lui dis : « Ici, à Tsararano, il y a Saandati ». Elle acquiesce et me dit : « Et il y a aussi les deux vieux, c’est des jumeaux. Ils sont très vieux. Il y en a un qui est aveugle le jour mais il voit la nuit et l’autre est aveugle la nuit mais il voit le jour. Je ne sais plus comment ils s’appellent. »

J’en reste sans voix. Une longue fréquentation de l’œuvre de Jung a développé en moi un profond respect pour les mythes. Ils viennent de si loin et nous parlent de mondes si souterrains, alors entendre comme ça, entre deux grincements d’amortisseurs, un mythe en train de naître, c’est très impressionnant.

Elle cherche le nom de ces Castor et Pollux de la musique mahoraise « Ah ! Mais comment ils s’appellent ? »

Je lui propose « Langa ? » Elle s’écrie « C’est ça, c’est les Langa ! »

Je ne sais pas si ce mythe est appelé à se développer dans l’imaginaire mahorais, si les Langa serviront un jour à nommer un système double de pulsars en opposition de phase au cœur d’une galaxie lointaine, mais il m’a plongé depuis ce matin dans une profonde rêverie. Preuve de son efficacité en tant que mythe, au moins sur les esprits faibles et enclins à la rêverie.

Langa et bokela par Marcel

Un clic sur la photo pour en savoir plus

Pour ceux qui ne connaissent pas Langa, un mythe vivant, un clic sur le portrait du bonhomme peint par Marcel semble indispensable. Vous atterrirez sur le blog de Marcel que je vous recommande vivement.

Castor ou Pollux ?

Pour ceux qui ne connaissent que vaguement Castor et Pollux, voici leur histoire en deux mots. Léda, la plus belle des femmes de toute la Grèce, épouse de Tyndare, roi de Sparte, se baignait à la rivière quand elle vit un cygne poursuivi par un aigle. Elle sauva le cygne des serres du rapace. Pour la remercier, le bel oiseau blanc se fit particulièrement tendre, si bien qu’à quelque temps de là, Léda pondit deux œufs. Il est vrai que l’oiseau n’était autre que Zeus qui n’en était pas à son premier tour pendable. Le premier œuf contenait Clytemnestre et Castor, enfants de Tyndare. Du second sortirent Hélène et Pollux, tous deux enfants de Zeus. Cette Hélène, plus belle encore que sa mère, c’est celle de la guerre de Troie.

Les Dioscures (Castor et Pollux) par Jean Cocteau

Castor et Pollux eurent une vie palpitante et aventureuse au cours de laquelle rien ne les sépara, pas même la mort.

Voici ce qu’en dit Ulysse en remontant des Enfers où il les a rencontrés :

« Ils restent vivants tous les deux sous la terre féconde ;
Cependant, même là en bas, Zeus les comble d'honneurs ;
De deux jours l'un, ils sont vivants et morts à tour de rôle
Et sont gratifiés des mêmes honneurs que les dieux. »

Odyssée (XI, 301-304). Extrait de la traduction de Frédéric Mugler pour Actes Sud, 1995 (Merci Wikipédia).

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