lundi 22 mars 2010
Un îlot
Cela faisait trois ou quatre semaines, au moins, que je n’étais pas allé me baigner dans le lagon. Cela faisait des mois que je n’avais pas mis mon masque qui somnolait dans son eau savonneuse, dans sa boîte en plastique sous l’évier, comme me l’avait recommandé le Gros Mérou.
Ici tout moisit. Peu à peu les DVD se piquent de moisissure et deviennent illisibles. Même ma carte vitale a moisi au fond de mon portefeuille. Alors si on ne se sert pas de son masque tous les jours, on le laisse tremper dans de l’eau savonneuse. Les moisissures n’aiment pas l’eau savonneuse.
Nous avons un ami qui habite dans le Nord, dans un petit village tellement perdu qu’on a du mal à y croire. Cet ami nous avait invité de longue date à faire un tour en canoë avec lui. Alors aujourd’hui nous avons pris palmes, masques, tubas et quelques victuailles et nous nous sommes mis en route, sous un déluge soudain qui n’a pas duré bien longtemps.
Une fois là-bas, nous avons porté le canoë pour traverser une longue étendue de vase car la marée était très basse. Puis, tant bien que mal, nous avons embarqué et nous sommes mis à pagayer. Je n’ai jamais été un grand pagayeur, et puis nous n’étions pas bien installés sur le canoë. Fatou au milieu, très digne, comme le sont les gens qui vivent aux portes du désert, très loin de la mer, mon ami derrière, presque couché, si bien qu’il ne pouvait pratiquement pas pagayer et moi devant ramant comme un damné en chantant des chansons de marins pour me donner du courage car je sentais bien que j’allais me mettre les épaules en compote. Cela n’a pas manqué et à l’heure où je vous parle, tout en pianotant sur mon clavier, je me prépare mentalement à affronter les courbatures que je trouverai au réveil demain matin.
Nous avons pagayé jusqu’à un de ces nombreux îlots qui entourent Mayotte et sur lesquels on est à peu près assuré de ne rencontrer personne et de trouver, par conséquent, une plage raisonnablement propre. Ce fut le cas. Personne d’autre que trois ou quatre lézards peu farouches, attirés par nos quelques vivres. Quelques rats de cocotiers aussi, mais beaucoup plus prudents.
L’eau était claire et chaude avec juste une petite impression de fraîcheur relative en approchant du tombant. Pas besoin de nager longtemps, on est tout de suite sur des coraux majestueux. Toutes les formes et toutes les couleurs sont là, très nettes, avec des poissons qui s’y faufilent et de gros coquillages à dents de scies comme des citrouilles d’halloween.
Boudiou que ça fait du bien. Il y avait même une tortue imbriquée qui virait lentement d’un côté puis de l’autre. Mon ami a pris quelques photos et deux jolis bouts de films. Il a notamment filmé un banc de poissons noirs et affairés auxquels je trouvais des airs prophétiques. C’était comme une longue traînée oraculaire qui traçait en ondoyant des signes mystérieux. Un Romain aurait adoré. Moi aussi d’ailleurs. Je ne me savais pas si Romain. On peut les voir en cliquant ici.
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